ENTRETIEN - Libraire, photographe, écrivain, ce touche-à-tout a publié coup sur coup son cinquième et son sixième livre en 2020. Dans Album de famille, paru aux éditions Les Orfèvres, il met en scène un libraire dont la
routine est ébranlée le jour de ses 30 ans par l'irruption dans sa vie d'une préadolescente prétendant être sa fille. Problème : le jeune homme, résolument gay, ne se souvient pas d'avoir eu de
liaison avec une femme. Dans Deux Enfances,
paru aux éditions Favre, il s'adresse à Minou Drouet, enfant poète qui a défrayé la chronique littéraire malgré elle dans les années 1950. A travers ces lettres, il livre sa propre enfance, celle
d’un garçon qui réalise qu’il n’est pas comme les autres garçons, et raconte la vie de ces deux enfants nés à plus de quarante années d'intervalle et que pourtant tout rapproche. Stéphan Sanchez
répond à nos questions.
Pr Ragondin - Dans la correspondance que vous adressez à l’autrice Minou Drouet dans Deux Enfances, vous vous aventurez sur un terrain personnel, où vous choisissez de vous révéler. Est-ce que le roman Album de famille, sorti la même année, préfigurait d’une certaine manière cette incursion autobiographique ?
Stéphan Sanchez - Tout à fait. Dans mon roman Album de famille, écrit en 2018 mais publié seulement en octobre 2020, le narrateur ne porte pas de nom et se veut être une sorte de double littéraire, un jumeau, un frère fantasmé. Je me suis appuyé sur des expériences vécues (le décès de ma grand-mère, la découverte de mon homosexualité…) pour donner de la chair et de l’épaisseur à mes personnages. Deux enfances, Minou Drouet et moi, sorti juste après, en novembre 2020, est une sorte de confession adressée à la poétesse Marie-Noëlle Drouet dont le parcours de vie m’a bouleversé. Dans ce dernier livre, écrit sous forme de lettres, je retrace la carrière de cette femme mais aussi ma propre enfance. Tout est biographique et autobiographique dans cette correspondance.
Pr Ragondin - Dans Album de famille, vous flirtez comme souvent avec la possibilité du surnaturel. Vous aimez jouer avec le doute ?
Stéphan Sanchez - J’aime les frontières et les zones floues, les zones d’ombre. J’ai choisi d’écrire des romans à suspense pour cette raison d’ailleurs. Mes personnages se trouvent souvent confrontés à l’irrationnel, au fantastique. Au fond, mes romans sont peut-être une tentative de dire, d’expliquer ce qui ne peut se traduire par des mots. Je pense souvent à «L’inquiétante étrangeté», cette théorie de l’angoisse exprimée par Freud. «Le familier étrange» ou ce moment où quelque chose que l’on connaît bien, quelque chose qui fait partie de notre quotidien, une table par exemple, se met à devenir bizarre, étrange, monstrueux. Si l’on examine avec attention certains objets qui nous entourent, la peur et le doute peuvent apparaître. Cette sensation de malaise m’intéresse particulièrement.
Album de famille, Les Orfèvres, 2020.
Pr Ragondin - Dans Deux Enfances, on découvre l’impact qu’a eu sur vous la lecture des poèmes de Minou Drouet. Jusqu’à quel point votre vocation d’écrivain lui est-elle liée ?
Deux Enfances, Minou Drouet et moi, Favre, 2020.
Stéphan Sanchez - Je ne crois pas que ma vocation d’écrivain soit liée à Minou Drouet et à son histoire. J’ai d’abord eu besoin de parler de ma grand-mère, dont j’ai été très proche, et qui est décédée en 2013. Mon premier roman, Soleil Blanc, sorti en 2013 justement, est une histoire de deuil et de déchirement. L’écriture a toujours fait partie de ma vie mais quelque chose s’est cristallisé au moment où j’ai appris la maladie de ma grand-mère. Il m’a fallu dire ma douleur et mon incompréhension. J’ai découvert les poèmes de Minou Drouet en 2012 il me semble… Ça a été un choc mais je ne parvenais pas à l’expliquer. Il m’a fallu une dizaine d’années pour comprendre en quoi son histoire résonnait avec la mienne.
Pr Ragondin - Vos livres sont toujours calibrés de manière semblable (des chapitres courts, environ 150 pages). Est-ce votre format de prédilection ? Est-ce aussi ce que vous préférez en tant que lecteur ?
Stéphan Sanchez - Pour être honnête, plus le temps passe et plus je préfère lire des textes courts. A l’adolescence, j’ai retrouvé le goût de la lecture grâce aux romans d’Amélie Nothomb. Ces livres très courts m’ont marqué et ont sans doute influencé ma façon d’écrire et de construire des histoires. J’avoue que si la plume de l’auteur n’est pas sublime, je ne suis guère sensible aux longues descriptions. Un grand luxe de détails empêche mon imagination de fonctionner à plein régime.
Pr Ragondin - Planchez-vous déjà sur de prochains livres ? Dans quelle(s) direction(s) irez-vous ?
Stéphan Sanchez - Effectivement, je travaille sur un nouveau manuscrit. La phase préparatoire est terminée. Il ne me reste plus qu’à écrire. En ce moment, je manque cruellement de temps mais les vacances approchent… J’entamerai la rédaction de Récit d’une amitié singulière à la fin du mois de février. Il s’agira d’une histoire vécue… Il y a quelque temps, j’ai côtoyé une jeune femme qui voulait être auteure… Une jeune femme qui s’est introduite dans ma vie d’une manière très étrange. Je promets encore une fois du suspense et du mystère…
Le site d'auteur de Stéphan Sanchez.
Pr Ragondin - Merci, Stéphan Sanchez !
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Stéphan SANCHEZ (jeudi, 04 février 2021 16:32)
Un grand merci pour votre gentillesse et votre intérêt cher Professeur ! ;)
Bres sophie (jeudi, 04 mars 2021 11:48)
Tres bel interview
Les mots ont été superbement choisis
Ravis de savoir le sujet du futur livre...enfin
Joëlle Rivoire (jeudi, 04 mars 2021 13:58)
Magnifique cet interview
Que dire de plus �tout est dit,j’adore.
Un GRAND BRAVO pour ce que tu es, surtout ne change pas.
Des gros bisous ���❤️❤️❤️❤️❤️