Les 24 travaux d'Amélie

C'est le marronnier de la rentrée littéraire : le Nothomb nouveau est arrivé. Et comme chaque année, on se demande ce qu'il vaut, on guette les critiques, on écoute les avis, on sonde les opinions.

Si les Nothomb se ressemblent par leur brièveté, leur apparence de fable la plupart du temps, leur sens du loufoque et leur propension aux formules cocasses, ils sont néanmoins assez inégaux par leur qualité. Il y a les bons et les mauvais Nothomb. Et entre deux eaux, les moyens, les gentils, les divertissants mais sans plus. Toutefois, les lecteurs ne sont pas toujours en accord sur ce classement.

Outre quelques publications marginales, pour des magazines par exemple, Amélie Nothomb a publié 24 ouvrages depuis 1992, sans manquer une seule rentrée littéraire. Elle-même prétend écrire beaucoup plus de romans que ce qu'elle en publie, et en détenir une grande quantité clandestine dans ses tiroirs. Ainsi, le roman qu'elle publie une année n'est pas forcément celui qu'elle vient d'écrire.

Les 7 incontournables

A huit ans d'intervalle, Nothomb a frappé fort avec son diptyque japonais, directement tiré de son histoire réelle. Le caractère autobiographique de Stupeur et tremblements (1999) et de Ni d'Eve ni d'Adam (2007) fait parfois perdre de vue qu'il s'agit néanmoins de romans, avec tout ce que cela autorise de liberté fictionnelle. Techniquement, ces deux ouvrages ne se suivent pas, mais ils abordent une même période vécue par la narratrice - si l'on suppose qu'il s'agit de la même narratrice.

Si Stupeur et tremblements relate l'expérience professionnelle désastreuse de la narratrice au Japon (adaptée au cinéma, avec Sylvie Testud dans le rôle principal), dans un style hilarant, Ni d'Eve ni d'Adam revient quant à lui sur une partie totalement inexploitée dans le roman de 1999 : la vie sentimentale d'Amélie, dont on découvre qu'elle a été fiancée à un Tokyoïte original. Toujours drôle et fantaisiste, ce livre est toutefois plus émouvant et mélancolique.

Six ans après Ni d'Eve ni d'Adam et quatorze ans après Stupeur et tremblements, Nothomb revient à l'écriture autobiographique japonaise avec La nostalgie heureuse (2013), élégant oxymore pour intituler un roman qui, de tous, s'apparente le plus à un récit dénué de toute fiction. La narratrice et l'auteure sont totalement confondues, puisque celle-ci relate son retour au Japon, après les succès de ses romans autobiographiques, à l'occasion d'un documentaire tourné pour la télévision : le récit romanesque et le récit personnel se superposent. Impossible, par conséquent, de prendre véritablement ce livre pour un roman, malgré toutes les précautions dont le lecteur doit faire preuve.

Hygiène de l'assassin, le tout premier, celui qui a lancé la carrière de Nothomb, en 1992. Dans ce roman court, dense, vif, cynique et percutant, parfaitement adaptable au théâtre, un romancier en fin de vie fait bisquer les journalistes venus l'interroger. Sauf une, qui résiste à son caractère épouvantable.

Dès son deuxième roman, en 1993, Nothomb transforme l'essai et confirme son talent avec Le Sabotage amoureux, formidable récit autobiographique fantasmatique, dans lequel la narratrice revit son enfance dans un quartier chinois sous un angle spécialement différent de la réalité.

Après une publication mineure en 1994, Nothomb frappe un joli coup avec Les Catilinaires (1995), récit drôle et crispant du harcèlement insupportable que subit un couple paisible de la part d'un voisin très envahissant, Palamède Bernardin.

En 1998 paraît Mercure, une des plus belles réussites de l'oeuvre de Nothomb. Dans ce récit, où la romancière explore encore les passions humaines, un vieil homme vit sur une île avec une jeune fille qu'il préserve de tout reflet. Mais une infirmière s'immisce dans le secret de cet énigmatique duo.