Anna Madrigal - Armistead Maupin
La grande saga des Chroniques de San Francisco revient en France avec le tome 9 :
- 37 ans après le début de la publication originale américaine de la série ;
- 21 ans après le début de la publication française de la série ;
- 4 ans après la parution française du tome 8.
Plusieurs fois déjà, ce feuilleton littéraire mondialement célèbre a semblé se conclure, après le tome 3, puis après le tome 6, puis chacun des opus suivants pouvait raisonnablement être tenu pour le dernier. Mais Armistead Maupin rééquilibre sa série par la livraison de ce tome 9, en achevant un nouveau cycle de 3 livres.
En effet, les Chroniques de San Francisco supportent leur découpage en trois
grands ensembles, qui correspondent à la fois au temps réel de l'écriture, à celui de la publication, au temps de la narration, mais aussi à la forme et au fond littéraire des
récits.
1
Narration : 1976-1981
Publication (US) : 1978-1982
Publication française : 1994-1996
2
Narration : 1983-1988
Publication (US) : 1984-1989
Publication française : 1997-1998
3
Narration : 2005-2012
Publication (US) : 2007-2014
Publication française : 2008-2015
Liés par leurs titres à la chaîne (Chroniques de San Francisco, Nouvelles Chroniques de San Francisco et Autres Chroniques de San Francisco), les 3 premiers volumes formaient un triptyque inaugural, centré sur les aventures de Mary Ann Singleton dans le San Francisco de la fin des années 1970 : cet ensemble développait des intrigues vastes, foisonnantes, toujours empreintes de légèreté malgré des sujets parfois graves, au fil de chapitres courts, denses, envolés, en formes de saynètes dotées d'une unité de temps et d'action, qui correspondaient aux chroniques que l'auteur publiait dans le San Francisco Chronicle depuis 1976.
Les tomes 4 à 6 basculaient dans les années 1980 et découvraient de nouveaux thèmes en temps réel, avec notamment les ravages du
VIH et du sida. Maupin fut d'ailleurs l'un des premiers, sinon le premier, à faire mourir un personnage romanesque du sida, dès 1983. La série n'abandonnait pas son
humour, mais indéniablement elle changeait de ton. De plus, le personnage de Mary Ann perdait non seulement de son importance romanesque au profit de Michael
Tolliver, mais aussi de son prestige moral. Enfin, la série n'était plus exclusivement basée à San Francisco et s'expatriait volontiers .
Les tomes 7 à 9 se détachent très nettement des précédents, avant tout parce que les Américains ont attendu 18 ans entre le tome 6
et le 7, voyant vieillir d'autant les personnages de la série. Le temps de la fiction correspondant toujours à celui de l'écriture, une énorme ellipse s'est ainsi formée. Certains personnages
n'ont d'ailleurs pas franchi ce fossé chronologique. Fini le temps des saynètes et des intrigues délirantes : Maupin ne compile plus des chroniques quotidiennes destinées à
fidéliser le lectorat d'un journal. Il donne une plus grande part à l'introspection et à la mélancolie, et allège ses intrigues.
En quelques années, la série s'est attiré une célébrité internationale, pour son écriture facile et dynamique, ses intrigues
abondantes, ses personnages attachants, son atmosphère pacifiste et familiale, son implantation géographique et temporelle en prise directe avec le réel des lecteurs, son caractère sociologique
et son audace en matière de LGBT : au départ, en 1976, Maupin décrivait le quotidien san-franciscain d'un groupe de personnages aux caractères et aux identités très variés, en
puisant dans la bigarrure de la population du San Francisco où il habitait et pour lequel il écrivait, sans deviner le succès qui l'attendait au tournant. L'arrivée dans la ville de Mary
Ann Singleton, une jeune femme naïve partie de Cleveland, et son emménagement au 28, Barbary Lane auprès de Mme Madrigal et de Michael Tolliver, donnait
l'impulsion de départ à toute la saga.
Impossible dans un si modeste billet de retracer l'histoire de ces personnages à travers les 8 premiers tomes, étalés sur une
presque quarantaine d'années. Mais on peut rappeler que les lecteurs ont progressivement, dans leur grande majorité, réservé leur affection à Mme Madrigal, la logeuse de Barbary
Lane, matriarche pleine de bon sens et respectée de tous ses pensionnaires, et à Michael Tolliver, jeune homme ouvertement gay, tourmenté, diablement sympathique, devenu au fil
de la série un quinquagénaire légèrement bedonnant, sage et bienveillant.
Si Mary Ann était le personnage moteur du début de la série, Mme Madrigal a ensuite acquis une
place majeure pour devenir le liant, sans lequel les divers personnages perdraient leur originalité. Il était logique, qu'après avoir essentiellement consacré son tome 7 à
Michael et son tome 8 à Mary Ann, Armistead Maupin dédie son tome 9 (et dernier?) à la "petite mère" du 28 Barbary Lane - qu'elle n'occupe plus
depuis de nombreuses années. Ce volume est l'occasion pour l'auteur de revenir plus amplement sur la vie et les secrets de ce personnage, qui a dépassé les 90 ans. Depuis les tout premiers tomes,
les lecteurs se demandent ce qui s'est passé à Winnemucca dans les années 1930, dans le lupanar de sa mère, Mother Mucca. Désormais, ils sauront ce qui est au fondement de la vie
très singulière d'Anna Madrigal.
Anna Madrigal
Auteur : Armistead Maupin
Titre original : The Days of Anna Madrigal (2014)
Editions de l'Olivier (2015)
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Tampopo (dimanche, 20 septembre 2015 18:18)
Ca me donne envie de tenter, je ne connaissais pas, ça a l'air sympa. Et moi j'adore les sagas sur plein de tomes !!